La carrière
Dans le futur, combien dénombrera-t-on de travailleurs qui restent fidèles au même employeur tout en occupant la même fonction pendant des décennies ? Ils devraient être nettement moins nombreux qu’avant. La routine a une tout autre connotation aujourd’hui. Les jeunes générations en particulier sont en quête de variété, de feed-back continu et surtout de possibilités suffisantes pour l’avenir. Des options qu’ils contrôlent en outre eux-mêmes, en respectant un sain équilibre travail-vie privée.
Vous l’aurez compris : les employeurs avancent en terrain miné. Mais il existe également des moyens pour convertir l’ambition de vos collaborateurs en un atout, pour concilier cette curiosité et les objectifs de votre entreprise, et pour anticiper l’employabilité durable. Nous vous en disons plus sur 5 tendances.
#1 Les « soft skills » deviennent indispensables à une gestion efficace du changement
4 C et un A
Le modèle de la carrière linéaire cède progressivement la place au changement continu. Vos collaborateurs devront s’armer des soft skills – ou qualités « humaines » – primordiales pour y faire face. Ces compétences leur permettront de mieux gérer l’incertitude et la rapidité des changements et donc d’améliorer leur polyvalence. Il s’agit concrètement des « 4C » :
- Critical thinking (pensée critique)
- Collaboration
- Communication
- Creativity (créativité)
« S’y ajoute un dernier élément tout aussi important : Agility, c.-à-d. la rapidité et la facilité avec laquelle vous pouvez vous adapter. Il constitue, avec les quatre C, la base du fonctionnement optimal dans une entreprise moderne et ouverte. En améliorant ces points, vous augmenterez en outre considérablement l’attrait de votre entreprise. »
Marc Van Harneveldt, Managing Director chez Randstad RiseSmart
Une responsabilité commune
La capacité à résoudre des problèmes, la communication, la collaboration et la créativité font cependant partie des qualités qui ne sont pas toujours développées dans la même mesure sur le lieu de travail et chez les chercheurs d’emploi. Notre système éducatif y accorde encore trop peu d’attention. Les élèves ne reçoivent pas suffisamment la possibilité de tirer des leçons des erreurs qu’ils commettent.
Par ailleurs, par souci de facilité, les entreprises partent parfois du principe que de telles aptitudes ne peuvent plus s’acquérir une fois que les étudiants accèdent au marché du travail – 1 sur 3 ne propose pas de formations à cet effet. Pourtant, il existe différentes manières de développer progressivement les soft skills. Ce qui manque en général, c’est un cadre réaliste et la concertation. Celui qui parviendra à les mettre en place transformera le changement en une opportunité.
« Les formations imposées sont contre-productives. En revanche, ce qu’il faut prévoir, c’est une incitation à la formation, qui permettra à l’employeur et au collaborateur d’en percevoir l’utilité et de choisir une piste orientée vers l’avenir. »
Matthieu Dewevre, Conseiller Affaires Sociales de l’Union des Classes Moyennes (UCM)
Plusieurs pièces du puzzle
Selon les employeurs, les soft skills des travailleurs sont devenues vitales pour rester dans la course. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, à l’ère du digital, l’homme fait plus que jamais la différence. Cela ne signifie pas que les hard skills disparaissent à l’arrière-plan. Au contraire, c’est précisément la combinaison des hard et soft skills qui sera déterminante. Enfin, la culture d’entreprise joue également un rôle essentiel en définissant comment les travailleurs peuvent et doivent utiliser leurs compétences. Conclusion : de nombreuses pièces du puzzle doivent s’assembler pour faire face aux changements – attendus ou inattendus – mais les soft skills font partie intégrante de l’équation.
« Les soft skills sont non seulement nécessaires pour gérer les changements prévisibles, comme la digitalisation, mais également pour faire face à des bouleversements inattendus, comme nous avons clairement pu le voir durant la crise du coronavirus. »
Ans De Vos, Professeur à l’UAntwerpen et à l’Antwerp Management School Chaire SD Worx « Sustainable Careers »
#2 Les millennials aspirent à des stratégies d’entreprise authentiques
Définir le « pourquoi » de votre entreprise
Attirer des millennials talentueux requiert bien plus que de l’argent ou une voiture de société. Une table de ping-pong dans le hall d’entrée ou un événement de teambuilding original en prime ne suffiront pas non plus. Qu’est-ce qui fonctionne ? Une stratégie d’entreprise transparente qui clarifie leur contribution à une société meilleure. Les collaborateurs souhaitent aujourd’hui plus que jamais faire partie d’un tout et contribuer à construire une marque authentique dans laquelle ils se reconnaissent. Le « pourquoi » est devenu au moins aussi important que le « quoi ». Une mission attrayante est indispensable pour construire un lieu de travail que les collaborateurs ont plaisir à retrouver chaque jour.
« L’aspiration à un travail utile est une évolution qui transcende les différences générationnelles. Même si les motivations des millennials et des plus de 55 ans peuvent diverger, une mission qui leur plaît figure au sommet de la liste des priorités. »
Ans De Vos, Professeur à l’UAntwerpen et à l’Antwerp Management School Chaire SD Worx « Sustainable Careers »
86%
Tel est le pourcentage de Flamands qui souhaitent être utiles à la société, selon le Baromètre du travail de 2019 de la Maison des Tendances. La même enquête réalisée en 2015 avait donné un résultat inférieur à sept sur dix. Les travailleurs attendent essentiellement de leur employeur qu’il se soucie de la planète (93 %) et investisse dans des projets sociaux (86 %).
Un atout pour l’image de marque de l’employeur
Les travailleurs recherchent par-dessus tout un environnement de travail humain qui les considère comme uniques et les aborde comme tels. Un environnement dans lequel ils peuvent faire la différence. Par ailleurs, vous encouragez ainsi un comportement loyal. Car ne vous y trompez pas, les millennials peuvent être aussi des collègues fidèles. Qui plus est, en explicitant correctement votre mission – et le rôle qu’y tiennent vos collaborateurs – vous créez d’emblée une foule d’ambassadeurs de votre marque d’employeur. Et les ambassadeurs fiers font les meilleurs chasseurs de talents.
Tout le monde veut apporter sa pierre à l’édifice
Toutefois, la mission que vous faites miroiter à vos collaborateurs ne peut être abstraite, vous devez transposer le « pourquoi » de votre entreprise en objectifs concrets. Quel but poursuivez-vous, de quelle manière entendez-vous y parvenir et dans quel délai ? L’implication dans ces questions est cruciale. Demandez régulièrement à vos collaborateurs le rôle qu’ils souhaitent jouer dans cette aventure. Vous leur donnez ainsi l’occasion de participer à la réflexion et de s’épanouir. Le lien entre la mission et les objectifs concrets fonctionne par ailleurs dans les deux sens. Des objectifs sans mission sont au moins aussi dangereux : les travailleurs ne tirent aucune satisfaction de l’obtention d’un résultat s’ils ne savent pas pourquoi ils ont fourni ces efforts.
« Les structures organisationnelles horizontales et les lignes de communication courtes sont la nouvelle norme dans notre société. Votre entreprise devra s’y adapter. »
Paul Verschueren, Directeur Research & Economic Affairs chez Federgon
#3 Les carrières évoluent dorénavant dans tous les sens
De la stratégie d’emploi à la stratégie de carrière
Progresser, décrocher une promotion, grimper les échelons : autant de termes qui étaient jusqu’il y a peu synonymes de réussite professionnelle. Ils reflètent à la perfection le modèle de la carrière linéaire. Mais la réalité est bien différente aujourd’hui. Les carrières évoluent dorénavant aussi à l’horizontale, en diagonale et vers le bas :
- À l’horizontale: les collaborateurs peuvent élargir leur fonction en assumant différentes tâches ou en se spécialisant dans un domaine spécifique. Ou ils peuvent être affectés à une fonction dont le contenu diffère de leur emploi actuel pour acquérir de nouvelles compétences.
- En diagonale: dans ce cas, vos collaborateurs exercent la même fonction dans un autre département, une autre équipe ou un autre établissement. Ils élargissent ainsi leurs horizons.
- Rétrogradation: la décision de faire délibérément un pas en arrière peut s’avérer pertinente, par exemple, lorsqu’un collaborateur accède à une fonction de dirigeant mais se rend compte qu’elle n’est pas opportune dans cette phase de sa vie. Ce choix atteste de sa connaissance de soi et de sa capacité d’autogestion.
« Nous devons investir davantage dans la sécurité de carrière plutôt que dans la sécurité d’emploi. Les choix non linéaires en constituent un élément essentiel, tout comme l’upskilling et le reskilling. »
Nina Van den Driessche, Sectoraal Account Manager (Business Support & IT) au VDAB
Un changement des mentalités
Aussi attrayante que soit la nouvelle stratégie de carrière – dans laquelle le travailleur tient les rênes de sa propre carrière et l’employeur sert de catalyseur – il semble difficile dans la pratique de reléguer le modèle linéaire définitivement aux oubliettes. Une évolution ascendante reste considérée comme l’idéal, en particulier dans les grandes entreprises qui utilisent les classifications de fonction pour déterminer notamment la rémunération. Le défi consiste à trouver des moyens de briser ce carcan en faisant passer l’intérêt des travailleurs en premier.
« Les entreprises doivent apprendre à raisonner encore davantage dans l’intérêt du travailleur. »
Paul Verschueren, Directeur Research & Economic Affairs chez Federgon
La mobilité interne intelligente : un doublé gagnant
La mobilité interne et l’accompagnement de carrière sont devenus plus complexes. Mais la bonne nouvelle, c’est que vous pouvez prendre de nombreuses initiatives pour faire correspondre les souhaits de carrière de vos collaborateurs aux possibilités de votre organisation. Votre capacité à y parvenir exercera un impact direct sur la réussite. Affecter vos collaborateurs à la bonne place augmente non seulement la productivité, mais les incitera aussi à rester plus longtemps fidèles à votre entreprise. Une stimulation dynamique de la carrière de vos collaborateurs prévient en effet l’immobilisme. D’ailleurs, celle-ci ne doit pas toujours se traduire par une rotation formelle des tâches. Les échanges temporaires et stages internes sont des techniques tout aussi praticables pour développer les compétences. La première étape consiste à intégrer cette nouvelle réalité et y adapter votre politique de carrière, en définissant des objectifs clairs à la fois pour l’employeur et le travailleur.
#4 L’œuf de Colomb : se concentrer sur l’expérience du travailleur
Priorité aux propres collaborateurs
Dans un monde où les carrières évoluent dans tous les sens, l’employee experience – ou l’expérience employé – est devenue un facteur déterminant. Il s’agit de la somme de toutes les expériences accumulées par un collaborateur dans une organisation, depuis l’engagement jusqu’à l’entretien de sortie ou la pension. Se concentrer sur cette expérience implique d’accorder de l’attention à chaque moment qui revêt de l’importance à leurs yeux, par exemple une augmentation de salaire, les étapes de la carrière, les grossesses, les anniversaires et les fêtes d’ancienneté. L’idée centrale consiste à veiller à ce que, dans le cadre de votre culture d’entreprise, vos travailleurs réalisent des expériences positives, qui sont en outre authentiques et personnelles.
89%
Près de 9 organisations sur 10 considèrent l’employee experience comme une priorité absolue et s’attendent à voir encore augmenter son importance dans le cadre de la rétention des collaborateurs dans les années qui viennent.
Un marché de l’emploi transparent
Une approche personnelle sur le lieu de travail est devenue la règle. Donnez à vos collaborateurs le sentiment qu’ils constituent réellement votre principal capital. Dans ce cas, même lorsqu’ils partiront, ils resteront des ambassadeurs de votre entreprise. Un aspect qui n’est pas sans importance, au vu des canaux toujours plus nombreux dont disposent les candidats aujourd’hui – songez à Glassdoor – pour savoir ce qu’il en est de l’expérience employé chez vous. Cette image n’est pas déterminée par des marketeurs, mais par des expériences réelles.
« On ne peut souligner assez l’importance de l’onboarding. Même si les collaborateurs ne restent que trois ou quatre ans, vous en tirez toujours une valeur ajoutée. En revanche, s’ils décrochent après quelques mois, cela ne profite à personne. »
Marc Van Harneveldt, Managing Director chez Randstad RiseSmart
De la théorie à la pratique
La reconnaissance générale de l’expérience employé contraste fortement avec les résultats concrets : seulement 22 % des entreprises affirment y parvenir dans la pratique. Comment combler ce fossé ? Voici un aperçu des options envisageables :
- Onboarding: il arrive souvent que la situation dérape dès le départ. En effet, plus d’un tiers des nouvelles recrues chercheraient un nouvel emploi au cours des six premiers mois. La solution est de mettre en place un processus d’intégration intelligent, qui débute bien avant le premier jour de travail.
- Formation des managers: les relations personnelles entre les travailleurs et leur hiérarchie font de l’expérience employé une réussite ou un échec. Il est indispensable que ces derniers disposent des soft skills requises.
- Possibilitésd’évolution: les possibilités d’évoluer – dans quelque direction que ce soit – fidéliseront vos collaborateurs. Vous leur prouvez que vous investissez en eux et dans leur curiosité professionnelle.
- Feed-back des travailleurs: vos collaborateurs sont le mieux à même de savoir ce qui améliore leur expérience sur le lieu de travail. Écoutez-les et tenez compte de leur feed-back.
« Nous encourageons notre personnel à opter en connaissance de cause pour leur projet personnel, pour l’entreprise et – si cela devait s’avérer opportun – pour une aventure externe. C’est pour cela qu’ils aiment travailler chez nous. Nous leur faisons prendre davantage conscience de leur valeur et les soutenons dans chacun de leurs choix. »
Bart Jaeken, Administrateur chez Obelisk
#5 La volonté et la capacité d’apprendre sont un moteur pour les carrières et votre organisation
L’upskilling et le reskilling deviennent la norme
Les entreprises continuent de préconiser une approche traditionnelle du recrutement. Elles publient une offre d’emploi associée à des compétences spécifiques, s’attendent à ce qu’un candidat réponde à ces exigences, l’installent ensuite sur une chaise et le tour est joué. Mais les nouveaux profils complets que recherchent les entreprises n’existent tout simplement pas. Il est donc conseillé de recruter les candidats en fonction de leur volonté d’apprendre et pas seulement sur la base de leur correspondance à la description de fonction. Il est en effet fort probable que la fonction évolue d’ici quelques années et qu’un recyclage ou un perfectionnement soit nécessaire. L’upskilling et le reskilling deviendront un élément essentiel de la nouvelle normalité.
1/4
Un quart des travailleurs ressentent aujourd’hui déjà une inadéquation entre leurs propres compétences et les compétences requises pour la fonction (enquête de World Economic Forum).
« Pour stimuler l’envie d’apprendre, il est indispensable d’adapter l’offre aux préférences de votre équipe. »
Nina Van den Driessche, Sectoraal Account Manager (Business Support & IT) au VDAB
La liberté d’apprendre
Les travailleurs apprennent différemment, que ce soit en toute autonomie ou en groupe, par la voie digitale ou classique, de manière intensive ou sporadique, visuelle, auditive ou textuelle... Les possibilités sont légion, mais il est important de tenir compte des préférences d’apprentissage de vos équipes.
Apprentissage et formation ne sont d’ailleurs pas synonymes. Effectuer des recherches en ligne, partager des expériences et lire des publications sont également des formes d’apprentissage. Pour évoluer en tant qu’organisation, vous devez également stimuler et reconnaître ces méthodes d’apprentissage informelles. Certains employeurs, supérieurs hiérarchiques directs et responsables RH ont encore des efforts à faire dans ces domaines.
Vouloir et pouvoir apprendre
Par ailleurs, la capacité d’apprentissage mérite que l’on y accorde plus d’attention. Les travailleurs peuvent aujourd’hui de moins en moins compter sur des méthodes autrefois efficaces. Les entreprises les plus performantes disposent de collaborateurs qui tirent rapidement des leçons de situations inconnues et appliquent ensuite effectivement les connaissances et le savoir-faire acquis. Une capacité d’apprentissage bien développée les aide à ne pas considérer l’incertitude comme un obstacle. L’objectif ultime est de transformer les entreprises en viviers de talents dans lesquels elles peuvent puiser librement afin de constituer des équipes compactes et malléables en fonction des besoins du moment. Vouloir et pouvoir apprendre sont donc les maîtres-mots. Ce concept peut paraître simple, mais requiert également un effort de la part de l’employeur.
« Apprendre n’est pas synonyme de former. La majorité des options d’apprentissage sont plutôt informelles et ne coûtent pratiquement rien. »
Ans De Vos, Professeur à l’UAntwerpen et à l’Antwerp Management School Chaire SD Worx « Sustainable Careers »
« Les carrières évoluent dans toutes les directions et les travailleurs osent davantage changer de secteur que par le passé. One observation qui ne concerne d'ailleurs pas uniquement les jeunes générations. Si nous voulons que notre monde des affaires reste dynamique et que notre marché du travail soit sain et équilibré, l’apprentissage tout au long de la vie est une nécessité. »
Notre vision