La culture d’apprentissage
S’il est un point sur lequel les employeurs s’accordent généralement, c’est que la force de toute organisation réside dans ses collaborateurs. Par conséquent, en leur permettant de se développer, votre organisation se développera également. C’est aussi simple que cela. La mise en place d’une culture d’apprentissage semble donc être une évidence qui n’est plus à démontrer. Mais combien d’entreprises peuvent affirmer, en toute honnêteté, qu’elles disposent déjà d’une culture d’apprentissage à part entière?
Certains employeurs considèrent encore et toujours la culture d’apprentissage et la formation tout au long de la vie comme un poste de dépenses à faible retour sur investissement, et s’empressent donc de les reléguer au bas de la liste des priorités. Pour d’autres, ces termes font partie, depuis des années, du vocabulaire vocabulaire courant des débats stratégiques. Ils s’engagent pleinement dans la voie de la croissance en explorant différentes pistes, souvent avec un succès variable. Nous mettons en lumière 5 tendances et constatations qui y sont étroitement liées.
#1 Se concentrer sur l’employabilité durable donne une longueur d’avance
Qui n’avance pas, recule
Le contenu des fonctions actuelles évolue et les nouveaux métiers sont en rapide progression. Ainsi, Agoria, l’ONEM et le Forem notamment estiment que d’ici 2030, les robots et systèmes intelligents créeront nettement plus d’emplois qu’ils n’en feront disparaître. Il est donc probable que vos collaborateurs manquent rapidement des aptitudes nécessaires pour s’acquitter de leurs nouvelles attributions de manière optimale. Les soft skills – celles qui vont de pair avec le changement – et les compétences digitales en particulier risquent de poser problème. Bon nombre de collaborateurs le constatent eux-mêmes et redoutent d’accumuler un retard difficile à rattraper. En effet, plus de 4 sur 10 (44 %) craignent que leurs compétences soient insuffisantes d’ici 5 ans. Les travailleurs tirent la sonnette d’alarme, mais retentit-elle déjà dans tous les bureaux des administrateurs?
Préparer les collaborateurs pour l’avenir
Il est plus que jamais indispensable d’agir de manière déterminée et ciblée. Attirer de nouveaux talents peut être une solution, mais vous n’êtes jamais certain à 100 % que vous trouverez les candidats appropriés ou qu’ils resteront. En outre, cette piste extérieure entraîne une hausse des coûts.
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Engager un nouveau collaborateur coûte deux fois plus cher que former ou reconvertir un collaborateur existant.
Que vaut-il mieux faire dans ce cas ? Améliorer l’employabilité durable de vos collaborateurs actuels dans toutes fonctions. Qu’ils soient employés administratifs, experts ou dirigeants : perfectionner les compétences est devenu une nécessité pour rester dans la course. Et il s’agit d’un moyen efficace pour fidéliser un talent à votre marque d’employeur. La proposition d’un large panel de formations est l’une des raisons principales qui encouragent les travailleurs à rester fidèles à leur employeur. Une situation doublement gagnante.
« Si nous ne faisons rien, à l’horizon 2030, plus de 5 000 emplois resteront non pourvus, faute de candidats compétents. Il appartient à chaque entreprise d’investir dans l’apprentissage tout au long de la vie. Elles montrent ainsi à leurs collaborateurs que leur employabilité constitue leur première priorité. »
Luc Blondiau, Product Manager Agoria Academy chez Agoria
Donner l’envie
M’enseigner à quelqu’un une chose qu’il n’aime pas ou qu’il est incapable de faire est peine perdue. D’autant plus s’il y est obligé. Le défi consiste précisément à créer pour chacun un contexte dans lequel il apprendra automatiquement, parce qu’il l’a choisi. Les travailleurs doivent prendre en main la gestion de leurs propres compétences. Mais nous ne pouvons leur confier cette tâche de but en blanc. Les entreprises – et en particulier les dirigeants – auront la grande responsabilité d’accompagner leurs collaborateurs dans ce processus.
« Mon conseil : placez vos collaborateurs dans des situations qui nécessitent des efforts d’apprentissage. Suscitez leur envie et leur curiosité. Ils apprendront ainsi à apprendre par eux-mêmes. C’est le début d’une culture d’apprentissage. »
Eric Junes, Senior Talent Sourcing & Development Expert chez SD Worx
#2 La formation tout au long de la vie souffre d’un problème d’image
« En incitant quelqu’un à apprendre, vous insinuez qu’il lui manque certaines compétences. Nous devons lutter contre cette image à l’aide d’exemples de réussite et d’ambassadeurs. L’enjeu de l’apprentissage tout au long de la vie est ni plus ni moins le développement au sens large. »
Lesley Arens, Fondatrice de ZigZagHR
« Les travailleurs perçoivent certes la valeur ajoutée » de la formation continue, mais il manque souvent un cadre, une étoile du Nord, qui leur indique la direction. Vous ne pouvez d’emblée refiler la patate chaude aux travailleurs. Les entreprises et les autorités doivent donner des indications claires. »
Tom De Baere, General Manager chez Invisible Puppy
Combattre les idées reçues
La formation continue éveille des connotations plutôt négatives chez de nombreux travailleurs belges. Ils l’associent d’emblée à un retour sur les bancs de l’école. L’apprentissage constitue pour beaucoup un processus à sens unique et fortement lié à des obligations. D’où l’intérêt parfois mitigé des collaborateurs à l’égard de l’apprentissage tout au long de la vie. Chez certains chercheurs d’emploi et travailleurs inactifs, il a même totalement perdu la cote. Autrement dit, il reste encore beaucoup de pain sur la planche pour faire décoller la formation continue une fois pour toutes.
« Si vous demandez à une personne ce qu’elle espère que sa formation lui apportera, il y a de fortes chances qu’elle ne le sache pas. Tant que les collaborateurs et les employeurs ne comprennent pas que l’apprentissage tout au long de la vie les aide à progresser, ils continueront de nager à contre-courant. »
Thierry Castagne, Administrateur Délégué de Technifutur
Vouloir, pouvoir, oser et en avoir l’opportunité
Les travailleurs constituent le principal groupe cible de l’apprentissage tout au long de la vie. Ils doivent réunir trois conditions essentielles à cet effet : vouloir, pouvoir et oser apprendre. Mais les employeurs doivent également leur en donner la possibilité. Et c’est là parfois que le bât blesse. Les courbes d’apprentissage, et donc la possibilité de commettre des erreurs, ne font pas partie de la culture de toutes les entreprises. En outre, certains employeurs estiment que les travailleurs trop bien formés risquent de trouver un meilleur emploi ailleurs . Autrement dit, le problème d’image ne se situe pas exclusivement du côté des collaborateurs.
Tous sur la même longueur d’onde
Résoudre le problème d’image de la formation continue relève d’une responsabilité commune. Les autorités doivent créer un cadre qui encourage et récompense la formation et le développement, y compris pour les chercheurs d’emploi. Les établissements scolaires doivent proposer des parcours d’études parfaitement adaptés au marché du travail, ce qui semble être encore insuffisamment le cas aujourd’hui.
Investir avec succès dans la formation tout au long de la vie nécessite en outre une collaboration optimale entre l’enseignement et le monde des entreprises, notamment par le partage des connaissances et de l’expérience pratique. Par ailleurs, il est crucial que les entreprises elles-mêmes continuent d’investir dans la formation continue, le recyclage et le perfectionnement de leurs collaborateurs. Enfin, les travailleurs doivent eux aussi être ouverts au changement et investir activement dans leur développement personnel. Bref : tout le monde doit être sur la même longueur d’onde pour améliorer l’image de la formation tout au long de la vie.
#3 Les programmes d’apprentissage personnalisés deviennent essentiels au développement de vos collaborateurs
L’exception plutôt que la règle
Nos besoins en formation diffèrent de nos préférences d’apprentissage. Dans le scénario idéal, chaque collaborateur disposera donc d’un plan d’apprentissage qui en tient compte. La bonne nouvelle, c’est que l’offre thématique, les formes d’apprentissage et les outils se sont considérablement développés ces dernières années. En théorie, il est donc possible de mettre en place des programmes d’apprentissage personnalisés pour chacun. Mais c’est là également que réside le problème : avec la prolifération des options de formation, il devient de plus en plus difficile d’y voir clair. C’est pourquoi la forme d’apprentissage classique reste traditionnellement très populaire.
99%
des employeurs prévoient des formations classiques, ce qui en fait de loin la forme d’apprentissage la plus répandue dans les entreprises belges (Netwerkgids 2019-2020 de Stimulearners).
Chez d’autres employeurs, cette kyrielle d’options engendre la passivité. À cela s’ajoute que 74 % des entreprises ne savent pas comment mesurer les résultats d’une culture d’apprentissage. Résultat : les plans d’apprentissage personnels bien élaborés relèvent plutôt de l’exception.
Finie l’uniformisation
Les nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle, pourraient apporter une solution pour concilier rapidement les besoins d’apprentissage et les programmes de formation. Les assistants à la formation digitale pourraient déjà faire leur apparition avant 2030. Sur la base de l’analyse des connaissances acquises antérieurement, ces assistants pourront proposer des parcours personnalisés aux travailleurs. Dans ce système, les formateurs assumeront un rôle d’encadrement, tandis que de nombreuses organisations de formation se tourneront vers les plateformes d’apprentissage (en ligne) ouvertes. Les employeurs qui en tireront correctement parti y trouveront un atout supplémentaire pour le développement de leurs collaborateurs.
« Transformer les dirigeants en coaches est le seul moyen de garantir que vos collaborateurs feront valoir les connaissances et le savoir-faire qu’ils ont acquis et de créer une culture d’apprentissage. »
Erwin De Deyn, Ancien Président du syndicat d’employés SETCa de la FGTB
« Il incombe aux autorités de reconnaître plusieurs formes d’apprentissage, y compris les méthodes informelles. Cette dernière catégorie, plus difficile à contrôler et à cerner, est néanmoins devenue incontournable. Il convient dès lors de récompenser les entreprises et les collaborateurs sur la base de la politique et des efforts de formation et moins sur la base des formes d’apprentissage traditionnelles. Nous ouvrirons ainsi la porte aux préférences d’apprentissage personnelles. »
Ine Indesteege, Learning & Development Manager chez CLB Group
Diversifier
Les travailleurs éprouvent de plus en plus le besoin d’apprendre quand, où et de la manière qu’ils le souhaitent. « Diversifiez l’offre », tel est le message qu’ils adressent aux centres de formation. Ceux-ci doivent encore plus qu’auparavant privilégier les formes d’apprentissage digitales et « mixtes » (combinant le classique et le digital). Les entreprises ont quant à elles la responsabilité d’assurer le suivi des parcours d’apprentissage personnels.
Les autorités ne peuvent pas non plus se reposer sur leurs lauriers. Nous avons besoin d’un cadre qui apporte un soutien optimal tout en laissant la place à la personnalisation.
#4 L’afflux des millennials estompe la frontière entre le travail et l’apprentissage
Briser la routine
De nombreux millennials changeront régulièrement d’emploi au cours de leur carrière. Ils doivent donc se préparer à des changements réguliers, mais aussi à un parcours de formation tout au long de la vie. Et c’est ce qui leur plaît. Exécuter les mêmes tâches tout au long de leur carrière, très peu pour eux. Ils veulent surtout apporter une contribution significative – si possible socialement pertinente – et être reconnus comme des experts dans leur domaine. Ils améliorent ainsi dans la foulée leur employabilité durable.
« Le but final est de développer une palette de possibilités d’apprentissage, dans laquelle chacun trouvera son compte, indépendamment des considérations générationnelles, car les collaborateurs plus expérimentés peuvent aussi être férus de technologie, de même que tous les millennials ne disposent pas de compétences digitales. Le problème, c’est que les formations classiques sont souvent les seules éligibles aux subventions et aux primes, ce qui ralentit le développement d’un large éventail d’options. »
Frank Vander Sijpe, Directeur Consulting chez Securex
Un développement parallèle
La formation continue constituera dans le futur un parfait complément au travail lui-même. De plus en plus de travailleurs attendent par exemple des lieux de travail stimulants, pourvus d’espaces de coworking permettant l’apprentissage informel. Ils réclament plus de place pour l’interaction et la prise de risques au sein de la culture d’apprentissage. Tout cela s’inscrit dans le cadre du nouveau contrat social entre les travailleurs et les employeurs que distingue le bureau de consultance Deloitte : « Tu m’aides à me développer et à évoluer. Je t’aide à atteindre tes objectifs ».
43%
des millennials souhaitent changer d’emploi dans les deux ans (Deloitte).
Pour tous les goûts
Ces enfants du digital ont généralement des préférences d’apprentissage bien spécifiques, privilégiant les applications mobiles, le coaching sur le terrain et autres formes d’apprentissage informelles. Les employeurs doivent en tenir compte pour fidéliser leur équipe de millennials. Dans la foulée, ils doivent se concentrer davantage sur « l’apprentissage » et moins sur la « formation ». Il existe en effet une différence importante entre ces deux concepts. La formation est sporadique, hiérarchisée, rapidement obsolète et perçue comme obligatoire et peu pertinente. L’apprentissage en revanche est continu, multidirectionnel, toujours innovant et naît de besoins concrets. Il est important de noter que cette transition est essentielle pour inclure une grande partie des générations plus âgées.
« L’apprentissage social est la principale forme d’apprentissage informel. L’échange d’informations, le fait de demander et de recevoir du feedback et tout simplement de s’entraider en constituent des exemples. Le lieu de travail et la culture d’entreprise doivent la stimuler de manière optimale. »
Isabel Raemdonck, Professeur Adult Education and Learning à l’UCLouvain
#5 Le « microlearning » ouvre de nouvelles possibilités
Une marge de manœuvre réduite
Selon une enquête de Randstad Research, le manque de temps constitue l’un des obstacles majeurs à l’apprentissage. Plus de 20 % des travailleurs belges se disent incapables de combiner une vie de famille avec des formations après les heures. Sur le lieu de travail également, la course contre la montre exerce un effet pervers. Les collaborateurs ont certes l’ambition d’apprendre, mais la charge de travail élevée leur met souvent des bâtons dans les roues. Selon le Workplace Learning Report 2020 de LinkedIn, 49 % des travailleurs indiqueraient ne pas avoir le temps d’apprendre pendant les heures de travail.
#1
Le manque de temps constitue le premier obstacle à la formation continue des collaborateurs.
Juste assez, juste à temps
Le « microlearning » offre une solution : un contenu d’apprentissage gérable, qui ne dure que quelques minutes, et facile à assimiler, tels que les infographies, blogs, modules d’e-learning et vidéos. Les collaborateurs n’apprennent ainsi que ce qui est réellement nécessaire. Tout le contenu superflu est filtré. Ils peuvent ainsi profiter du microapprentissage où et quand ils le souhaitent, en sachant à l’avance qu’ils ne sont pas englués dans un processus de longue haleine.
Par ailleurs, le matériel est facile à réutiliser, le contenu s’adapte rapidement et vos collaborateurs restent motivés car ils voient immédiatement le résultat. Bref : cette méthode courte et efficace répond parfaitement aux besoins du travailleur moderne. Il apprend « juste assez » et « juste au bon moment ». En revanche, l’apprentissage de certaines compétences dure plus longtemps et il est plus difficile d’en rendre compte.
« Le microlearning ne remplacera jamais totalement les autres formes d’apprentissage, mais il constitue en revanche une modalité intéressante. Nous devons encourager toutes les formes d’apprentissage possibles et créer un cadre adapté, afin que les travailleurs puissent effectuer leurs propres choix. »
Isabel Raemdonck, Professeur Adult Education and Learning à l’UCLouvain
« Nous avons besoin de réponses rapides, de formes d’apprentissage que nous pouvons scanner rapidement, afin d’en extraire les éléments les plus intéressants – à ce moment-là. Le microlearning s’inscrit ainsi parfaitement dans l’air du temps. »
Eric Junes, Senior Talent Sourcing & Development Expert chez SD Worx
La liberté de choix
Le microlearning est en passe de devenir un élément essentiel de la nouvelle normalité, ce n’est plus un secret aujourd’hui. Selon une étude de Stimulearning, les professionnels du L&D s’attendent à ce que, de toutes les formes d’apprentissage, le microlearning enregistre la plus forte progression dans le futur. Dans le cadre du microlearning, des tendances manifestes se dessinent déjà, notamment une concentration accrue sur l’apprentissage mobile, les formes de jeu (ou « gamification ») en encore la mise en place d’une réalité virtuelle. Qui rate ce train risque de rester à tout jamais sur le quai.
« Pour développer et affiner des compétences indispensables, les formations formelles et les parcours d'apprentissage classiques ne suffisent pas. Il importe au contraire de se mettre personnellement à la tâche. Mais encore faut-il savoir apprendre seul. Apprendre à apprendre est donc essentiel. »
Notre vision