La vision de Cefora

« Apprentissage et travail, une interaction permanente »

- Olivier Lambert, directeur de Cefora

Vision d’Olivier Lambert, directeur de Cefora

« Apprentissage et travail, une interaction permanente »

Si l’apprentissage a déjà fait couler beaucoup d’encre, le thème est soudain devenu d’une actualité brûlante en 2020, et ce, de façon inattendue. En raison de la crise du coronavirus, la vague digitale a atteint des sommets sans précédent. Acquérir de nouvelles connaissances en ligne, perfectionner ses compétences digitales, collaborer virtuellement... Le digital est devenu un standard en un rien de temps durant le confinement. Le monde des formations et du développement des talents s’est lui aussi retrouvé totalement sous l’emprise de la « nouvelle normalité ».

C’est dans ce contexte mouvementé, qu’Olivier Lambert, directeur de Cefora, a été invité à s’exprimer sur un certain nombre de tendances marquantes dans son domaine. Lors d’une réunion virtuelle sur Microsoft Teams (comment pouvait-il en être autrement ?), le fil conducteur est vite devenu clair. Olivier Lambert : « Les entreprises et les organisations qui réussiront demain sont celles qui mettent dès aujourd’hui l’apprentissage au cœur de leur stratégie. »

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Une responsabilité partagée

C’est dans ce contexte mouvementé qu’Olivier Lambert, directeur de Cefora fait référence au modèle 70-20-10 de l’expert en apprentissage et en leadership Charles Jennings. « Pas moins de 70 % de ce que nous apprenons est le résultat de l’expérience et des connaissances que nous acquérons au travail », explique-t-il. « 20 % viennent de l’interaction avec nos collègues, par le biais du coaching ou du feedback par exemple. Et à peine 10 % sont liés à des séances de formation et des formations formelles. Ces chiffres montrent clairement l’importance de l’apprentissage informel pour une culture de l’apprentissage efficace sur le lieu de travail. »

« Cette culture de l’apprentissage n’en reste pas moins une responsabilité partagée », souligne Olivier Lambert. « D’une part, les employeurs doivent fournir les outils et l’encadrement nécessaires pour rendre l’apprentissage informel aussi accessible que possible. D’autre part, les collaborateurs doivent se montrer curieux et désireux d’apprendre. L’une des façons pour le management de stimuler ce dynamisme est de ne pas poser des questions telles que « Qu’avez-vous réalisé ? » mais plutôt « Que voulez-vous réaliser ? ». Il sera plus stimulant de demander « Qu’avez-vous appris ? » au lieu de « Que souhaitez-vous encore apprendre ? ». Le feedback informel est la base de toute culture de l’apprentissage. »

« Le feedback informel est la base de toute culture de l’apprentissage. »

La capacité à apprendre, l’atout suprême

Ces questions deviennent d’autant plus pertinentes que les changements et les évolutions technologiques se succèdent à un rythme effréné. Olivier Lambert : « Les compétences que vous développez aujourd’hui seront obsolètes demain. De ce fait, les compétences cognitives – la créativité, la communication, la collaboration et l’esprit critique – gagnent en importance. Ces compétences sont souvent appelées les 4 C en anglais. Pour les développer et les affiner, les formations formelles et les parcours d’apprentissage classiques ne suffisent pas. Il importe au contraire de se mettre personnellement à la tâche. Mais encore faut-il savoir apprendre seul. Apprendre à apprendre est donc essentiel. »

Olivier Lambert souligne qu’il y a encore du pain sur la planche, en donnant un exemple tiré de la pratique de Cefora : « La formation de base en Excel est depuis longtemps l’une de nos formations les plus populaires, tandis que des centaines de tutoriels, d’articles de blog et de guides sur le sujet sont disponibles en ligne. Les possibilités d’apprentissage sont littéralement au bout de nos doigts, mais nous ne savons souvent pas par où commencer ni comment nous y prendre, et nous ne regardons pas toujours les informations disponibles d’un œil critique. Néanmoins, la capacité à apprendre par soi-même fait toute la différence à l’ère de la numérisation. C’est précisément pour cette raison que Cefora propose aussi des formules de formation permettant aux personnes d’accroître leur capacité d’apprentissage. À noter que les enseignements primaire et secondaire pourraient également jouer un rôle encore plus important dans ce domaine. »

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« Les compétences que vous développez aujourd’hui seront obsolètes demain. »

La capacité à apprendre est quasi devenue l’atout majeur sur le marché du travail. Olivier Lambert : « Les spécialistes s’accordent à dire que la moitié des métiers qui existeront en 2030 restent à inventer. Mais comment se préparer à développer les compétences nécessaires pour un emploi qui n’existe pas encore ? Ici aussi, la réponse réside en partie dans l’idée d’apprendre à apprendre. La volonté et la capacité d’apprendre deviennent donc des critères de recrutement de plus en plus déterminants pour les entreprises qui souhaitent rendre leurs activités pérennes. Et les « soft skills » – comme les aptitudes à la communication, la capacité à travailler en équipe, la vision critique et analytique, l’agilité – vont elles aussi figurer en bonne place sur la liste des critères des recruteurs. »

Apprendre tout au long de la vie, chacun y gagne

Il convient en outre de ne pas sous-estimer l’importance croissante du reskilling et de l’upskilling. « Le parcours professionnel vertical traditionnel est loin d’être la norme à l’heure actuelle », explique Olivier Lambert. « Les carrières évoluent dans toutes les directions et les travailleurs osent davantage changer de secteur que par le passé. Une observation qui ne concerne d’ailleurs pas uniquement les jeunes générations. Si nous voulons que notre monde des affaires reste dynamique et que notre marché du travail soit sain et équilibré, l’apprentissage tout au long de la vie est une nécessité. Employeurs et travailleurs en sont conscients. Cependant, la question se pose parfois de savoir qui doit prendre l’initiative. La réponse, à savoir le fait qu’il s’agit d’une responsabilité partagée, est peut-être évidente, mais elle n’en est pas moins pertinente. » Figure

« Cet accent mis sur la responsabilité partagée est d’ailleurs inscrit dans l’ADN de Cefora. Nous devons notre existence aux partenaires sociaux en Belgique. Ils ont unanimement reconnu que la formation est un pilier important du dialogue social entre employeurs et syndicats. Mais aussi qu’il est plus efficace d’organiser ces formations de manière collective. C’est précisément pour cette raison qu’ils financent conjointement notre organisation. Le fait que l’apprentissage tout au long de la vie crée une situation gagnant-gagnant pour les employeurs et les travailleurs est donc à la base du fonctionnement de notre organisation. » Figure

« Il convient de ne pas sous-estimer l’importance du reskilling et de l’upskilling pour un monde des affaires dynamique et un marché du travail équilibré. »

Ne pas confondre « bonheur au travail » et « bien-être au travail »

Selon Olivier Lambert, il ne fait aucun doute qu’en plus de créer une situation gagnant-gagnant, l’apprentissage tout au long de la vie contribue au bonheur au travail. Employeurs et travailleurs ne peuvent toutefois s’en rejeter la responsabilité : « Selon moi, des collaborateurs heureux sont plus performants et plus productifs. Mais je ne considère pas que le rôle de l’employeur soit de garantir le bonheur du travailleur. La définition du bonheur est en effet trop personnelle et fugace. Ce dont les entreprises – et surtout les supérieurs hiérarchiques directs – sont quand même responsables, c’est du bien-être au travail. Et il est clair qu’il s’agit là d’une composante importante du bonheur au travail. »

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« Les collaborateurs peuvent par ailleurs améliorer eux-mêmes leur bien-être. Des compétences cognitives bien développées, telles que les 4 C, sont une condition importante à cette fin. Elles permettent en effet d’être plus agile et donc mieux à même de faire face aux nombreux changements que connaît le monde volatile d’aujourd’hui. La solution ? Des formations spécifiques et ciblées, qui aideront à développer les compétences nécessaires. »

« Employeurs et travailleurs ne peuvent se rejeter la responsabilité du bonheur au travail. »

L’apprentissage « augmenté »

Comme l’accent renforcé sur le bonheur au travail, la guerre des talents est devenue un thème récurrent ces dernières années dans le monde du travail. Or la poursuite de la numérisation de notre société va intensifier cette guerre. Cependant, selon Olivier Lambert, il reste à voir si le développement des talents devra également se faire dans un environnement à prédominance digitale : « Il ne fait aucun doute que la tendance digitale se poursuivra également dans le secteur de la formation. Il suffit de remonter quelques mois en arrière, au début du confinement, pour voir à quelle vitesse nos habitudes et méthodes en matière d’apprentissage peuvent changer. Je demeure toutefois convaincu que les formations en présentiel resteront au cœur de notre approche. Elles offrent une valeur ajoutée tangible. Les participants interagissent plus aisément et apprennent généralement plus vite les uns des autres s’ils sont physiquement présents. »

« N’oublions pas que ces formes d’apprentissage informelles sont à la base de la plupart des connaissances et des compétences que nous acquérons tout au long de notre vie. D’autre part, il va sans dire que l’apprentissage digital nous permet de mettre des formations à disposition partout et tout le temps, ce qui rend l’apprentissage tout au long de la vie beaucoup plus accessible et réalisable. En d’autres termes, il s’agit des deux faces d’une même pièce. Et cela s’applique non seulement à l’environnement d’apprentissage digital, mais aussi au télétravail. Le fait que les travailleurs puissent télétravailler offre de nombreux avantages, par exemple en matière de bien-être. Mais vous devez également veiller à ce que la culture d’entreprise et la cohésion n’en souffrent pas. »

Quelle est donc la formule clé pour l’avenir ? Olivier Lambert : « Nous devons nous concentrer davantage encore sur une forme d’apprentissage « augmenté ». La formation en présentiel est alors enrichie par des options digitales pertinentes telles que les webinaires, les vidéos et du matériel d’ap- prentissage en ligne supplémentaire. Et ce, pendant, avant et après la forma- tion. Il est par ailleurs important que l’accent soit toujours mis autant que possible sur l’apprentissage mutuel. Que le participant soit une priorité et prenne en main les rênes de sa formation. Que des objectifs d’apprentissage clairs soient fixés. Et que les connaissances et les compétences acquises puissent être immédiatement mises en pratique ou exploitées sur le terrain. Cette interaction entre apprentissage et travail a toujours été notre principe de base. Une vision qui demeure, même en période de confinement et de numérisation toujours plus poussée. »