Attirer et retenir les talents
Attirer les meilleurs profils est un défi de tous les temps – course aux talents ou pas. Quelle stratégie adopter à l’ère du digital post-Covid ? Employer branding, candidate experience, cultural match, empowerment ... relèvent pour beaucoup du jargon abstrait des RH, mais les idées sous-jacentes font la différence.
Pour autant, les efforts ne s’arrêtent pas là. Retenir les talents s’avère au moins aussi important. Il faut être capable de répondre parfaitement aux attentes de vos collaborateurs (potentiels) pour définir ensemble un employee journey orienté vers l’avenir.
#1 Les élèves qui quittent les bancs de l’école ne sont pas prêts à faire face à l’ère du digital
La digitalisation et les emplois digitaux
La révolution digitale touche aujourd’hui tous les secteurs. Dans les années qui viennent, cette digitalisation entraînera irrévocablement des pertes d’emploi, mais en créera simultanément de nombreux autres. Certes, il s’agira de métiers différents, dont un grand nombre d’experts du digital.
Outre une hausse de la demande en experts du digital, de nombreuses fonctions verront leur contenu évoluer sous l’effet de la digitalisation et de la dynamique économique. Les compétences digitales deviendront donc pour tout le monde aussi importantes que les connaissances linguistiques. Dans ce cadre, l’enseignement a la tâche cruciale d’alimenter le marché du travail en candidats qui en sont armés.
3,7
D’ici 2030, il y aura pour chaque emploi perdu 3,7 postes à pourvoir (« Shaping the Future of Work – La digitalisation et le marché du travail belge », Agoria).
« L’enseignement doit considérer les compétences digitales comme des aptitudes de base et les intégrer dans l’offre d’apprentissage. Car ce n’est pas parce que les jeunes utilisent intuitivement leur smartphone et d’autres appareils qu’ils disposent après leurs études de compétences digitales qu’ils peuvent valoriser sur le marché du travail. »
Marie-Kristine Van Bockestal, Administrateur Général au FOREM
Une responsabilité commune
Pour autant, ceux qui ont actuellement un emploi n’ont évidemment pas intérêt à se reposer sur leurs lauriers. Pour eux aussi, les compétences digitales gagnent en importance. Pour pérenniser leur carrière, les travailleurs devront donc les mettre à niveau.
« Nous devons enseigner à nos étudiants que la vie ne commence que lorsqu’ils quittent les bancs de l’école. Mais aussi : que leur matière sera irrévocablement obsolète d’ici quelques années. Ils doivent donc tous affûter leurs compétences digitales, mais aussi leur esprit critique et leur curiosité pour poursuivre leur apprentissage. Cette responsabilité incombe en premier lieu à chaque individu. »
Bart Henssen, Chef du Center for Sustainable Entrepreneurship (CenSE) à l’université des sciences appliquées Odisee
Cette responsabilité commune affecte plus que jamais les travailleurs qui risquent de rester sur le carreau dans la situation incertaine que nous connaissons aujourd’hui. Un groupe conséquent de travailleurs qui occupent des emplois précaires ou travaillent dans des secteurs en difficulté n’ont parfois pas reçu suffisamment l’occasion d’étendre leurs compétences.
« Nous ne pouvons idéaliser notre vision du marché des candidats et la limiter à ces groupes qui ont des opportunités à saisir. De nombreux travailleurs n’ont pas accès à un large éventail d’emplois ou de parcours de carrières. Certains finissent au chômage et ne retrouvent du travail qu’après de nombreux efforts et un encadrement intensif. Tout dépend du profil des candidats, de l’environnement de travail et du secteur. »
Thibaut Montjardin, Responsable Sectoriel National CGSLB-ACLVB
« La digitalisation est un marathon que nous devons courir, mais un marathon ponctué de temps en temps d’une accélération. La crise du coronavirus en était une : l’apprentissage par le digital a fait un énorme bond en avant. »
Sanja Chen, Expert Employer Branding chez Agoria
L’école du futur
Si notre système éducatif ne parvient pas encore à s’acquitter de cette tâche aujourd’hui, la crise du coronavirus que nous avons connue a bel et bien montré qu’il était possible de prendre rapidement des mesures pour digitaliser l’apprentissage, et que, outre les compétences digitales, cette digitalisation stimulait également l’autonomie, l’indépendance et la gestion du temps chez les élèves.
De nombreux efforts seront donc encore nécessaires pour combler l’écart entre l’enseignement et le monde digital, même si le secteur de l’éducation cherche déjà activement à se rapprocher des entreprises. En effet, de nombreuses études de bachelor notent déjà un certain basculement dans la vie économique par le biais de parcours de stages intensifs.
« Les travailleurs ont pour mission d’apprendre tout au long de la vie, leur employeur doit quant à lui leur donner les facilités pour s’atteler effectivement à la tâche, mais aussi et surtout, donner l’envie d’apprendre. C’est pourquoi les gens veulent connaître le rôle qu’ils joueront demain dans la société en général et dans leur organisation en particulier. »
Sanja Chen, Expert Employer Branding chez Agoria
#2 Postuler reste une expérience encore trop souvent négligée
« Postuler est un processus fondamentalement injuste, car il n’y a qu’un seul élu. La déception est donc inhérente au processus de recrutement. C’est précisément pour cette raison que le respect, la transparence et le droit au feed-back sont les valeurs de base du code de conduite de Federgon. Dans le monde idéal, chaque candidat perçoit son parcours de sollicitation comme un moment d’apprentissage, mais nous nous rendons compte qu’il reste encore du pain sur la planche dans ce domaine. »
Ann Cattelain, CEO de Federgon
« En tant que candidat, vous devez vous vendre. Vous vous trouvez dès lors dans une position de dépendance qui est bien ancrée chez de nombreux recruteurs. En revanche, les RH durables reposent précisément sur l’égalité entre le candidat et le recruteur : si le profil ne correspond pas à cet emploi, il se peut qu’il convienne pour un autre. Aujourd’hui ou plus tard. Seul un dialogue ouvert nous permettra de gagner la course aux talents. »
Bart Henssen, Chef du Center for Sustainable Entrepreneurship (CenSE) à l’université des sciences appliquées Odisee
Le talon d’Achille : le feed-back et la communication
La recherche d’un emploi est un moment crucial pour le travailleur et l’employeur. Le premier pourrait en effet voir sa vie prendre une nouvelle direction, tandis que le second trouvera peut-être le renfort que l’entreprise recherche depuis si longtemps. Pourtant, un quart des candidats conservent en fin de compte une image négative de l’entreprise ou de son offre.
Le feed-back et la communication semblent faire cruellement défaut pendant les parcours de sollicitation, comme le révèle une enquête de CareerBuilder. Les entreprises prennent encore trop peu la peine d’informer les candidats, de les rassurer et de les approcher positivement tout au long du parcours de recrutement.
« Les entreprises me demandent parfois dans quels outils elles doivent investir pour améliorer l’expérience de leurs candidats. Ce n’est naturellement pas seulement une question d’outils, mais d’attitude. Si vous recevez soudain de nombreuses candidatures, prévoyez alors suffisamment de personnel pour offrir à chaque candidat un traitement personnalisé. Vous procédez de la même manière avec les prospects, non ? Il ne viendrait à personne l’idée de traiter les clients potentiels différemment pour le confort des commerciaux. Dans les RH, nous trouvons cela normal. »
Tom De Wachter, CEO d’INSILENCIO
Une approche personnalisée, étayée par des outils
Les grandes entreprises notamment investissent dans des outils puissants afin d’automatiser le plus possible le processus de recrutement (p. ex. des formulaires à compléter, des courriels standard). Il en résulte une diminution de la charge de travail des RH, mais les postulants se sentent de plus en plus considérés comme des numéros, ce qui est néfaste pour l’expérience candidat.
De la dépendance à l’égalité et au dialogue
Un point fait l’unanimité : postuler demande un effort considérable. Par conséquent, le respect doit toujours être de mise, même s’il en résulte obligatoirement un refus. Car le monde est petit, tout comme le vivier de talents. Laisser la porte ouverte vous donnera donc une longueur d’avance.
#3 Les millennials restent un mystère pour les recruteurs et marketeurs
Peu d’atomes crochus avec la jeune génération
Les millennials portent souvent un regard totalement différent sur la vie et leur carrière que les professionnels RH qui doivent les recruter, sans parler du management qui définit les lignes de conduite en général. Par conséquent, la communication relative à l’employer branding ne s’adresse pas à la jeune génération et exploite trop peu ses facteurs de motivation.
« Les bureaux de la direction sont occupés majoritairement par des personnes de plus de cinquante ans, qui ne sont pas des enfants du digital, mais n’en doivent pas moins élaborer une stratégie pour un futur digitalisé. Il en résulte des frictions avec la jeune génération qui a une vision totalement différente du travail, du leadership, de la stratégie, etc. »
Karine Vandenberghe, Executive Coach & Consultant chez Perpetos
Pourtant, d’innombrables études nationales et internationales ont été réalisées pour sonder les aspirations de ce groupe cible sur le lieu de travail. Le souhait d’un environnement de travail agréable, sincère et transparent, qui leur donne le sentiment de faire partie d’un tout, constitue le dénominateur commun des millennials. Par ailleurs, la variété des tâches, une carrière flexible correspondant à la phase de leur vie et les possibilités d’apprentissage figurent également au sommet de leur liste de priorités.
Le besoin d’un leadership fédérateur
De nombreuses entreprises s’intéressent encore trop peu à la connexion avec cette jeune génération. Et la vision générale sur le leadership en est largement responsable. Les organisations perdent probablement de nombreux talents qu’elles auraient pu embaucher voire retenir en prenant un certain nombre de mesures concrètes.
« L’époque où le management prenait des décisions qui touchaient toute l’entreprise dans la salle de conférence est révolue. Ce n’est plus possible. Il y a aujourd’hui tant de points d’interrogation et d’incertitude que la concertation toutes générations confondues est devenue une nécessité. »
Suzanne Verdonschot, Consultante et Chercheuse chez Kessels & Smit
« Certaines entreprises se demandent s’il vaut mieux créer leur marque d’employeur et la communication qui l’accompagne avec l’aide de leur équipe RH ou de l’équipe chargée de la communication. Mais là n’est pas la question : jeunes et moins jeunes doivent être impliqués, afin que ce soit parlant. Pourtant, de nombreuses organisations sont réticentes à aborder le sujet avec leurs collaborateurs, de crainte de soulever des problèmes. Mais n’est-ce pas précisément cela qui est fascinant. »
Tom De Wachter, CEO d’INSILENCIO
#4 Une culture d’entreprise se construit très difficilement à distance
Le grand test du travail à domicile
Le problème de la mobilité autour de nos villes s’intensifie au fil des ans. En réaction, et par crainte de perdre un talent, de plus en plus d’entreprises ont déjà autorisé le télétravail. Mais la crise du coronavirus a véritablement constitué le test ultime du travail à domicile. De nombreuses organisations sont parvenues – avec succès – à poursuivre leurs activités à distance.
De leur côté, les travailleurs ont découvert l’effet bénéfique d’une flexibilité accrue et des temps de trajet réduits sur leur équilibre travail-vie privée. Sans compter que le télétravail a amélioré leur productivité. Il est donc fort probable que les travailleurs considéreront le travail à distance comme un élément logique de leur routine professionnelle.
9/10
Selon une étude du bureau de consultance BDO, 9 employés sur 10 préconisent de 1 à 3 jours de télétravail par semaine. Qui plus est, 6 sur 10 souhaitent continuer de travailler au moins 2 jours à la maison après l’assouplissement des mesures liées au coronavirus.
La fidélité sous pression
Le revers de la médaille, c’est que le télétravail peut s’avérer néfaste pour les carrières individuelles comme pour la culture d’entreprise. Qu’en est-il en effet du tutorat, des formations pratiques, de la cohésion des équipes ou des expériences partagées ? Pour élever le télétravail réellement au rang d’élément structurel de la gestion d’entreprise, les employeurs devront se pencher sur une organisation différente du travail. Sans quoi, ils risquent de perdre le lien mutuel avec leurs collaborateurs, ce qui compliquera également leur rétention.
« La confiance entre la direction de l’entreprise et les travailleurs en ce qui concerne le travail à domicile a incontestablement augmenté ces derniers mois. Et cela change la donne : le télétravail, qui était encore souvent mal considéré avant la crise du coronavirus, est aujourd’hui encouragé. Le revers de la médaille, c’est que l’attachement et la fidélité pourraient à terme être mis sous pression. »
Karine Vandenberghe, Executive Coach & Consultant chez Perpetos
#5 Dans la décennie qui vient, les RH évolueront de plus en plus vers le courtage de talents
Même employeur, emploi différent
La digitalisation de l’économie génère de nouveaux emplois et modifie le contenu des fonctions actuelles. Selon une enquête réalisée par le prestataire de services RH Acerta auprès des employeurs, quelque 70 % se montrent disposés à reconvertir des collaborateurs en cas de de nécessité ou lorsque le travailleur lui-même souhaite évoluer vers une autre fonction. Il préfèrent cette option à l’obligation de se séparer de travailleurs motivés qui ont de l’expérience en entreprise.
Les travailleurs en tirent également de nombreux avantages. Ils peuvent rester au service de leur employeur actuel tout en donnant un nouveau souffle à leur carrière. La même enquête révèle que les collaborateurs sont effectivement prêts à endosser un nouveau rôle pour lequel ils doivent acquérir d’autres talents et compétences ou éventuellement se reconvertir ou se perfectionner. En revanche, les entreprises devront clairement redoubler d’efforts pour réellement concrétiser cette mobilité interne.
« Je regrette que, durant la crise du coronavirus, autant de chômeurs temporaires aient été « mis au frigo », alors que d’autres secteurs pleuraient pour avoir de l’aide supplémen- taire. Force a été de constater, une fois de plus, un manque général de mobilité intersectorielle des talents. Le partage des collaborateurs est souvent considéré comme un lointain idéal, mais il est déjà rendu possible à l’heure actuelle par les agences de travail intérimaire. Partage du personnel revient en effet dans la plupart des cas à de la mise à disposition de collaborateurs. »
Ann Cattelain, CEO de Federgon
« D’une manière générale, on accorde trop peu d’attention à l’expérience candidat des postulants internes. Si nous voulons que les travailleurs aient envie de prendre les rênes de leur carrière, nous devons l’améliorer. Un travailleur qui garde un mauvais souvenir d’un entretien d’embauche interne ne s’y prêtera pas une deuxième fois. »
Elke Maes, Coordinateur général chez ACV Pulse sector services
Partager le personnel : une bonne organisation est capitale
Les efforts en matière de mobilité interne pourraient même aller plus loin : plus de la moitié des employeurs sont disposés à chercher cette nouvelle correspondance professionnelle, y compris en dehors des murs de leur entreprise. Ce « rematching » permet aux employeurs de créer un doublé gagnant : ils peuvent mettre leurs talents en œuvre de manière optimale au sein de leur entreprise et, en même temps, améliorer les compétences de leurs travailleurs du fait que ceux-ci travaillent temporairement ailleurs. Tout le monde s’accorde à dire que le partage de personnel pourrait être l’une des clés pour améliorer la durabilité du travail. Toutefois, appliquer correctement cette mesure nécessite d’avoir l’expertise nécessaire. Il est donc préférable de faire appel à des spécialistes pour organiser ce partage.
Tout le monde s’accorde à dire que le partage de personnel pourrait être une des clés pour améliorer la durabilité du travail. Mais comme souvent, les lois et les problèmes pratiques empêchent le rêve de devenir réalité.
« La moitié des métiers qui existeront en 2030 restent à inventer. La volonté et la capacité d’apprendre deviennent donc des critères de recrutement de plus en plus déterminants pour les entreprises qui souhaitent rendre leurs activités pérennes. »
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